Suivez le fascinant parcours de l’eau de l’Aqueduc d’Uzès à Nîmes. Un chef-d’œuvre d’ingénierie qui a résisté à l’épreuve du temps, laissant derrière lui des récits captivants. Dans cet article, embarquez pour un voyage à travers les âges, explorez les moindres recoins de cet ouvrage colossal. De sa construction monumentale à son abandon, préparez-vous à être émerveillés par les prouesses techniques de ce joyau romain.
L’origine de sa construction
Au milieu du Ier siècle après J.-C., la cité de Nîmes est en plein essor. Elle accueille entre 20 000 et 25 000 habitants, ce qui est plutôt considérable pour l’époque. À cette période, Nîmes adopte le mode de vie à la romaine. Ses bains publics et privés, ainsi que ses fontaines, sont de véritables symboles de raffinement et de confort.
Les cités comme celles-ci sont de grandes consommatrices d’eau. Elles utilisent cette précieuse ressource pour toutes sortes de besoins : domestiques, sociaux, politiques, et même pour les loisirs. Alors, pour répondre à cette demande croissante, Nîmes décide alors de construire un aqueduc pour acheminer l’eau jusqu’au cœur de la cité. L’objectif est d’offrir à la ville encore plus de possibilités, pour créer des fontaines élégantes et des thermes luxueux. Tout cela dans l’idée d’élever son statut dans l’Empire romain. Commence alors la quête d’une source d’eau adéquate. La ville décide d’opter pour les sources de l’Eure, situées à proximité de Nîmes, offrant un débit régulier et fiable.
L’eau captée à Uzès
Les sources d’Eure
Pendant l’Antiquité, les eaux de la vallée de l’Eure, composées d’une dizaine de sources, sont canalisées par une structure voûtée pour alimenter l’aqueduc de Nîmes. Au début de son fonctionnement, cette source située à Uzès, délivre à l’aqueduc un impressionnant débit de 35 000 mètres cubes d’eau par jour. Une quantité vraiment colossale pour l’époque !
Le bassin de Plantéry compte parmi les éléments remarquables de cette construction. D’une surface d’environ 1500 mètres carrés et d’un volume de 4500 mètres cubes, il est une merveille architecturale romaine. Situé dans un massif calcaire, il est alimenté par quatre griffons, sortes d’ouvertures par lesquelles une eau minérale limpide jaillit. Et c’est bien plus qu’un simple réservoir d’eau. Il sert à filtrer l’eau des impuretés avant qu’elle ne poursuive son chemin vers la ville. Lorsque le bassin se remplit à craquer, et pour éviter tout gaspillage, des techniciens déversent l’eau dans la rivière Alzon.
Le bassin régulateur
En 1992, le bassin régulateur de la Vallée de l’Eure est mis à jour. Il révèle en outre un élément crucial de l’infrastructure hydraulique de l’aqueduc de Nîmes. Ce bassin sert, non seulement à ajuster le débit d’eau nécessaire à la ville, mais aussi à effectuer des réparations lorsque cela est nécessaire. Au cours de son fonctionnement, environ 5 milliards de mètres cubes d’eau y transitent.
Autrefois recouvert, le toit du bassin a disparu au fil du temps. On remarque également un léger décalage des pierres au centre de la voûte du canal qui alimente ce bassin. On peut expliquer ce phénomène par une activité sismique passée qui a causé des fuites dans la structure.
L’aqueduc et le Pont du Gard
La construction de l’aqueduc, l’incroyable défit
La source est située à 71,25 mètres d’altitude, alors que le Castellum de Nîmes se situe à 58,94 mètres. Les constructeurs étudient donc minutieusement le tracé de l’aqueduc afin de contourner les obstacles naturels tels que le plateau et la rivière du Gardon. L’aqueduc parcourt alors un trajet de 50,01 km en serpentant à travers les collines, évitant ainsi la garrigue de Nîmes.
Cette prouesse technique se traduit par une pente quasiment plate sur l’ensemble du parcours. Son dénivelé est de seulement 12,27 mètres entre Uzès et Nîmes. En moyenne, cela représente moins de 2,5 cm de dénivelé tous les 100 mètres, ou 1 mm tous les 4,5 mètres. Grâce à cela, l’eau met environ un jour et demi pour parcourir toute la distance jusqu’à Nîmes.
L’aqueduc est principalement souterrain, ce qui préserve la pureté de l’eau et réduit l’évaporation. Des ouvertures d’inspection sont aménagées le long du parcours pour permettre le nettoyage et les réparations nécessaires.
Le Pont du Gard
Construit environ cinquante ans après Jésus-Christ, le Pont du Gard est une merveille de l’architecture romaine. Il se dresse majestueusement au-dessus de la rivière Gardon depuis plus de deux millénaires. Considéré comme le plus grand chantier de l’aqueduc, il mobilise peut-être jusqu’à un millier d’ouvriers pendant trois à cinq ans.
Le Pont du Gard remplit une fonction vitale en soutenant une partie de la canalisation au-dessus de la vallée du Gardon.
Aujourd’hui, il impressionne par ses 52 arches réparties sur trois niveaux. Avec ses 48,77 mètres de hauteur et près de 275 mètres de longueur au troisième niveau, il est le pont aqueduc romain le plus élevé encore debout à ce jour.
Pour sa construction, pas moins de 50 400 tonnes de calcaire sont extraites d’une carrière voisine appelée la carrière de l’Estel. Ces énormes blocs de pierre, pesant jusqu’à 6 tonnes, sont transportés par voie d’eau et voie terrestre. Ils nécessitent alors des équipements sophistiqués de levage comme la chèvre. Sur le Pont du Gard, la canalisation est protégée par des dalles et mesure en moyenne 1,20 mètre de large. Ses murs intérieurs sont recouverts d’un enduit imperméable pour préserver l’eau.
Distribuer l’eau à Nîmes
Le Castellum
Le Castellum est un bâtiment crucial dans les anciennes villes, chargé de distribuer l’eau potable. À l’époque, celui-ci est surmonté d’une structure avec une coupole et de murs ornés de fresque. Toutefois, il est l’un des rares monuments de ce genre qui est parvenu jusqu’à nous. Dans un état de conservation remarquable, il est comparable à celui de Pompei.
Situé en hauteur, à 58,94 mètres d’altitude sur une colline, le Castellum joue un rôle essentiel au Ier siècle après J.-C. L’aqueduc, achemine l’eau jusqu’à ce bassin. Celui-ci sert de centre de répartition vers les différents quartiers de la ville de Nîmes. Son but est de garantir l’approvisionnement en eau, en complément des sources locales et des nappes phréatiques, surtout pendant les périodes de sécheresse. À partir de ce point central, des canalisations en plomb distribuent l’eau vers les fontaines publiques, les thermes, les lavoirs, et même les riches demeures de la ville.
L’abandon de l’aqueduc
Malheureusement, l’aqueduc de Nîmes n’a fonctionné pleinement que pendant environ 140 ans. Son utilisation décline ainsi dès le IIIe siècle. L’aqueduc est abandonné définitivement au VIe siècle.
Pendant des recherches, il a été découvert que le fond du canal de l’aqueduc n’est pas revêtu d’un matériau étanche, contrairement aux parois latérales. Cette absence de revêtement a entraîné des fuites d’eau importantes à travers les maçonneries des arches. Cela a nécessité leur obturation rapide peu de temps après la mise en service de l’aqueduc.
De plus, la pente de l’aqueduc n’est pas uniforme. Les débordements provoquant des problèmes dans les zones à faible pente, ils menacent la stabilité du Pont du Gard. Pour remédier à cela, les constructeurs érigent un bassin régulateur en amont et surélèvent le canal, en ajoutant des dalles de couverture. Ils ajoutent également des contreforts sur les parois extérieures du canal. Cela s’effectue probablement à la fin du premier siècle ou au début du deuxième siècle après J.-C.
Puis, vers la fin du troisième siècle, le contrôle de l’aqueduc par Nîmes diminue. Cela permet aux propriétaires de terrains traversés par l’aqueduc de le modifier à leur guise, entraînant alors la formation de dépôts carbonatés. Bien plus tard, après le premier millénaire, les propriétaires des terrains utilisent l’aqueduc comme source de matériaux de construction. Ils récupèrent ses pierres et dépôts carbonatés pour divers projets architecturaux, tels que des châteaux, des églises romanes, des habitations ou encore des cimetières.
Le Pont du Gard s’érige donc comme l’un des joyaux d’un ensemble remarquable, celui de l’aqueduc Uzès- Nîmes. Cet aqueduc est le témoin de l’ingéniosité des architectes et bâtisseurs antiques. Il est captivant par sa qualité et son histoire fascinante.
Jean-Jacques Rousseau, écrivain et philosophe des Lumières, a découvert le Pont du Gard en 1737. Enthousiasmé par son architecture unique, il décrit son émotion dans son autobiographie Les Confessions :
C’était le premier ouvrage des Romains que j’eusse vu. Je m’attendais à voir un monument digne des mains qui l’avaient construit. Pour le coup, l’objet passa mon attente et ce fut la seule fois de ma vie. Il n’appartenait qu’aux Romains de produire cet effet. L’art de ce simple et noble ouvrage me frappa d’autant plus qu’il est au milieu d’un désert où le silence et la solitude rendent l’objet plus frappant et l’admiration plus vive, car ce prétendu pont n’était qu’un aqueduc.